« Mon père faisait des choses avec des petite filles. Il disait tout le temps qu'il m'adorait, qu'il m'aimait plus que tout au monde et que j'étais son trésor ; et que jamais il ne me ferait de mal, à moi sa princesse. Alors c'est pas à moi qu'il en a fait, c'est à toutes ces petites filles. J'étais jamais là quand ça se passait, je crois qu'il faisait exprès pour pas que je devine et que j'aille tout répéter à maman. Quand la police est venue l'arrêter, ils m'ont fait parler à tout pleins de gens comme vous, pour être sûr que j'allais bien et qu'il ne m'avait rien fait, à moi. Mais moi il ne m'avait jamais rien fait. C'était le meilleur papa de tous les papas du monde à mes yeux. Dans ma tête c'était mon héros, alors pourquoi il a fait des si vilaines choses aux princesses d'autres papas ? »

Elle avait 8 ans lorsque c'est arrivé. Son père était alors le PDG d'une très grande entreprise de textile sur le point de s'exporter en Europe, des gros contrats et beaucoup d'argent investit dans ce projet. Autant dire qu'avec cette histoire l'image de l'entreprise a prit un sale coup dans la gueule; tout comme l'image qu'avait la petite Sherry de son père. Bien sûr beaucoup ont tentés de faire passer cette histoire à la trappe pour faire le moins de vagues possibles, comme il fallait s'y attendre... mais ça n'a pas marché.

« Y a ce mec, Kessy... j'étais à une fête samedi soir, et je sais pas, on est restés ensemble toute la soirée. D'abord il m'a fait danser, puis on s'est foutus dans un coin et on a parlés pendant 3 plombs... lui aussi avait entendu parler de mon père, et je pensais vraiment qu'il allait réagir comme les autres mais pas du tout; du coup j'ai pleuré, et il m'a embrassé. C'est vraiment trop con... »

Kessy, avant d'être un mec adorable avec un mauvais penchant pour l'acool entre-autre, c'est le meilleur ami de Sherry. Enfin, c'était. Parce que bien sûr, ces deux-là ont finit par sortir ensemble, c'était évident. Y avait qu'eux pour penser qu'ils pouvaient être « juste » amis, tout le monde l'avait vite comprit. Il avait deux ans de plus qu'elle, et c'était le meilleur mec du monde, quand il était pas complètement défoncé.

« La suite du procès de mon père a eu lieu hier. J'y suis allé, parce que maintenant j'y suis bien obligée. Il me dégoûte tellement. J'ai eu tellement de mal à ne pas lui cracher dessus lors de l'audience. Encore plus lorsque j'ai compris que pour les juges c'était mal, parce qu'il s'agissait de petites filles. Comme si avoir 6 ou 30 ans changeait quelque chose. Un viol, c'est un viol. C'est dégueulasse. On devrait le brûler vif, lui couper les couilles. ... voir ces filles, pour la première 6 ans après, c'était vraiment ... rageant. Je le hait. Lorsque ça s'est terminé, je suis allée chez Kessy directement. Je l'ai presque supplié de me faire l'amour, presque. »

« Kessy est partit. Ce fils de pute. Je le déteste putain, je le hait. Pourquoi il est partit. Je l'aime vraiment, vraiment trop, je l'aime tellement que j'en pleure putain. Et cet enfoiré qui se barre avec tout le fric que je lui ai donné, tout mon putain de fric qui passait dans ses drogues de mes deux. Je le déteste mais je l'aime, je suis sûre que je l'aime, mais quelle conne... Vous qui me connaissez depuis si longtemps, pourquoi je suis aussi conne ? »

Bien sûr, sa mère avait réussit à remonter la pente lorsque son père était partit en prison (dieu seul sait comment). Sherry n'était plus aussi riche qu'avant certes, mais elle avait suffisamment d'argent pour vivre convenablement, rester à Seoul et filer du fric à Kessy lorsqu'il disait en avoir besoin. Elle lui a tout donné -vraiment tout. De l'argent, de l'amour. Elle lui a tout donné et lui s'est barré avec, du jour au lendemain, sans un mot. Il est partit et Sherry ne l'a jamais revu. Bien sûr qu'elle se doutait dans quoi passait cet argent, son argent, seulement elle ne disait rien et se contentait de laisser Kessy agir.

« Il est mort. Kessy a disparu. Tout le monde dit qu'il est mort, ils ont même dit qu'ils ont retrouvé son corps dans une rue, défoncé. Kessy, mort. Mort mort mort, mort. Je ne suis pas allée à son « enterrement ». J'avais trop peur d'y aller, de tomber sur sa famille et leurs regards accusateurs -c'est toi qui l'a tué. Je vous jure que cet argent, j'ai jamais voulu qu'il passe là-dedans. Je savais qu'il se droguait un peu, parce que tout le monde se drogue. Mais au point d'en crever ? Ça arrive que dans les films ça, ça arrive qu'aux autres ça. Pas à Kessy. Pas au mec que j'aime comme une malade, pas lui merde ! Il peut pas être mort. Ce mec, c'est un dingue. C'est un warrior. Ils ont même pas retrouvés son corps. Comment il peut être mort. Non, j'y crois pas. »

Mais voilà, Kessy a disparût, Kessy est mort. La lettre qui l'annonçait était toute simple, très sobre et indiquait que l'enterrement aurait lieu le samedi suivant, sous la douce pluie d'automne. Il parait qu'ils avaient trouvés un corps, un drogué qui correspondait en tout point à Kessy, et la famille l'avait reconnu comme tel. Sherry n'y est pas allé. Parce qu'elle était persuadée que non, non, cet enfoiré n'était pas mort comme une merde. La rage laissa place à la culpabilité, qui commençait à la ronger peu à peu. Et si il était partit à cause d'elle ? Non. Elle l'aidait trop pour ça. Non, alors pourquoi ? Elle se prenait trop la tête, jusqu'au jour où elle reçut ce fameux coup de fil. *

– La voix féminine à l'autre bout du fil parlait d'un message, laissé tôt le matin même sur son répondeur. « Im Sherry ? Bonsoir. Ici le commissaire Kim. J'- » Putain... « Hey, ho. » Elle avait éloigné le combiné de son oreille, fixant de son regard noir le jeune homme en caleçon noir affalé sur son bar, le nez plongé dans un bol de chocolat. « Tu t'es cru dans une pub pour Ricoré ou quoi ? Vire de chez moi. » « Je pensais que... » « Visiblement ça t'as pas réussie, maintenant vire avant que j'appelle les flics.» Et elle s'est retrouvée seule, plantée au milieu de la pièce, le combiné pendant toujours au bout de son bras. Qu'est-ce qu'on lui voulait, merde.

« Im Sherry ? Bonsoir. Ici le commissaire Kim. J'aimerais que vous me rappeliez. C'est au sujet de Jang Kessy, c'était votre petit-ami n'est-ce pas ? Vous n'êtes pas sans savoir qu'il a disparu il y a quelques mois. Je suis au courant qu'un enterrement à eu lieu, qu'il a été retrouvé. Mais nous pensons avoir une piste. Jang Kessy n'est pas mort. Des sources nous affirment avoir aperçus un homme lui ressemblant, et un retrait d'argent aurait été effectué en son nom. Nous travaillons activement là-dessus. Il semblerait qu'il était impliqué dans une histoire de drogues, peut-être que c'est ce qui l'aurait poussé à fuir -alors nous aurions besoin de vous entendre, vous comprenez. Rappelez-moi dans les plus brefs délais s'il vous plait. Bonne journée mademoiselle Im. »

Impliqué dans une histoire de drogue. Elle se trouva bien conne, soudainement. Nous aurions besoin de vous entendre, vous comprenez. Non, elle ne comprenait pas non. Elle comprenait juste que si Kessy était impliqué avant de disparaître, elle aussi l'était. Jang Kessy n'est pas mort. Elle attrapa son portable, composa le seul numéro qu'elle connaissait par coeur, encore et toujours. « Enfoiré. Dis-moi que c'est vrai, dis-moi que t'es vivant. Putain, Kessy. Je t'en prie. » Une larme coula le long de sa joue, puis deux, puis trois. Bientôt son visage fût inondé de larmes, et incapable de s'arrêter, Sherry se laissa aller à un chagrin qu'elle avait trop longtemps repoussé et ignoré; Kessy vivant ? La nouvelle de l'année. News of the year.